La « substitution » de documents de l’employeur

Le 10 décembre 2014
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Photocopier ou substituer des documents appartenant à son employeur ne caractérise pas forcément un vol. C’est ce que vient récemment de rappeler la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 25 novembre 2014 (n°13-84414).

Dans cette affaire, un salarié, avait photocopié des documents professionnels (il s’agissait du salarié d’un cabinet d’avocats), quelques jours après avoir été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour faute lourde. L’employeur ayant porté plainte pour vol, le juge d’instruction puis la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris ont rendu une ordonnance de non-lieu confirmée par la Cour de cassation.

En effet, la chambre criminelle a considéré qu’il ressortait des débats que le salarié « informé du projet de son employeur de rompre son contrat de travail avait appréhendé, sous forme de photocopies, des documents dont il avait eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et qui étaient strictement nécessaires à la défense de ses intérêts dans le litige prud’homal l’opposant à son employeur ».

La Cour de cassation rappelle, dans cet arrêt, la position désormais constante de la chambre criminelle et de la chambre sociale qui, depuis 2004 (Cass. crim., 11-5-04, n°03-85521 ; Cass. soc., 30-6-04, n°02-41720) précisent, toutes les deux, que la production en justice de documents ou de copies appartenant à l’entreprise dont le salarié a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ne constitue ni un vol, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement, tant que cette production est strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense du salarié.

Deux conditions cumulatives sont donc incontournables pour établir que l’utilisation de documents professionnels n’est pas fautive.

Le salarié doit avoir eu connaissance des documents à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

Il est en effet nécessaire que les documents produits par le salarié aient été connus à l’occasion de son activité professionnelle. Ne sont pas concernés les instruments personnels du salarié (carnets de notes, relevés personnels…) qui, ne constituant pas un document de l’entreprise, peuvent donc être produits librement en justice.

Il peut également s’agir de documents couverts par le secret médical, dès lors que seuls ces documents sont de nature à justifier la demande du salarié (en l’espèce, il s’agissait de justifier des fonctions qu’il exerçait avant un changement d’affectation) ce dernier ne devant disposer d’aucun autre élément pour le faire (Cass. soc., 5-7-11, n°09-42959).

Par contre, le salarié ne doit pas s’être procuré des documents dont il ne devait absolument pas avoir eu connaissance car dans ce cas, le vol aggravé pourrait être retenu.

Les documents doivent être strictement nécessaires à la défense des intérêts du salarié devant les prud’hommes.

Cette seconde condition est indissociable de la première. Le salarié doit avoir appréhendé ces documents professionnels dans le but exclusif d’assurer sa défense devant les prud’hommes.

En outre, ces documents doivent être « strictement nécessaires » à l’exercice des droits de la défense, ce qu’il appartient aux juges du fond de rechercher (arrêt du 5-7-11 précité).

Se pose cependant la question du moment précis où le salarié peut légitimement copier ces documents. La Cour de cassation, dans ses différents arrêts relève souvent l’existence d’un litige au moment de la « substitution » des documents.

Ainsi, dans l’arrêt du 25 novembre 2014, les photocopies ont été effectuées dans les jours précédant l’entretien préalable au licenciement pour faute lourde, ce qui fait supposer l’existence d’un différend probable.

De même, dans un arrêt du 16 juin 2011 (n°10-85079), la chambre criminelle a admis la licéité du transfert de documents sur l’ordinateur personnel du salarié, même si la procédure de licenciement n’était pas engagée, dès lors que le salarié avait eu connaissance de ce projet de l’employeur.

Dans tous les cas, il est impératif que le salarié ait engagé une action prud’homale peu après.

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